Pourquoi la résidence alternée peine-t-elle à se diffuser?
Selon l'INSEE en 2020 [1] , 12 % des enfants dont les parents sont séparés vivent en résidence alternée
c'est à dire , 480 000 enfants mineurs. Ce qui représente 3.2% des mineurs français, ils étaient 2.7% en 2016 [2]. Une hausse continue mais faible alors que ce mode de résidence respecte l'intérêt de l'enfant comme celui des parents et qu'il est un élément essentiel de l'égalité femmes/hommes .
Le sujet revenant périodiquement sur le devant de la scène , sans aucune avancée, semble rebattu. Ainsi pas moins de neuf propositions de loi se sont succédées au Parlement depuis 2009 [1] , toutes systématiquement évacuées.
Cependant la France a bel et bien signé la Convention internationale des droits de l’enfant qui stipule dans l’article 3-2 « Les États parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées ».
la résidence alternée participe bel et bien à la protection et au bien être des enfants .Les études scientifiques [2], Les statistiques du 119 [3] comme celle de l'éducation nationale [4] le montrent .
[1]
http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0309.asp
[2] voir l’article Résidence alternée, une bonne solution pour l'enfant ?
[3] voir l’article La résidence alternée protège-t-elle les enfants des violences intrafamiliales?
[4] voir l’article Résidence alternée et réussite scolaire
L'immense majorité des responsables politiques que nous avons rencontrés se sont montrés individuellement favorables à la résidence alternée que certains ont d'ailleurs vécue en tant que parent. En revanche les partis politiques sont réticents à encourager la résidence alternée.
Plusieurs raisons à cela : connaissant mal cette question ils s’en remettent à des «experts » autoproclamés qui cachent leur farouche opposition sous couvert d'arguments pseudo- scientifiques et mènent une propagande anti résidence alternée active.[1]
En second lieu, les partis politiques, à la traîne sur les sujets de société, sont persuadés qu’il s’agit d’un sujet «clivant », susceptible de leur faire perdre des voix. Ils se trompent : tous les sondages montrent que ce mode de résidence recueille les faveurs des Français et s’accorde avec « les nouveaux modes de faire parent »[2]
Il est vrai que le rejet convergeant des partisans d’une famille patriarcale ajouté à celui de certains courants féministes [3] donne un écho à cette opposition sans commune mesure avec le nombre réel de personnes qu'il représente.
Par ailleurs la moyenne d’âge des politiques, 51 ans pour les députés, 60 ans pour les sénateurs par exemple (contre 41 ans pour l’ensemble de la population française) en fait plutôt des parents d’adolescents ou de jeunes adultes pour qui la question de la résidence est souvent moins cruciale voire inexistante. Ce qui peut expliquer une implication personnelle moindre chez beaucoup d'élus.
Cependant, à plusieurs reprises [voir article ci-dessus], des sénateurs ou des députés ont souhaité encourager la résidence alternée à travers des propositions de loi ou des amendements . L'exécutif, et particulièrement la chancellerie, qu'elle soit de droite, de gauche, ni de droite ni de gauche n'a, jusqu'à lors , pas soutenu d'avancée législative sur ce sujet.
[1] voir l’article Une loi pour rétablir la vérité
2] voir les articles Une loi encourageant la résidence alternée serait soutenue par l'opinion et Une loi en accord avec l’organisation actuelle des familles
[3] voir l'article Une opposition bruyante mais peu représentative
Les juges que nous avons rencontrés, y compris à la chancellerie, nous ont tous dit être favorables à la résidence alternée, conscient(e)s qu'elle était la meilleure solution pour l'enfant [1]. Elles/Ils nous ont également affirmé se heurter très fréquemment au refus du parent non gardien (le plus souvent les pères) à assumer une résidence alternée à cause, principalement, de leur activité professionnelle.
Cependant, dans le même temps, de nombreux parents qui la demandent ( 20% des cas [2], dont 85% de pères) se voient refuser une résidence alternée pour leur enfant.
Ceux là sont victimes de l'héritage du modèle patriarcal qui voudrait que seules les mères soient "naturellement" capables de s'occuper de leur enfant, ces dernières, enfermées dans ce modèle n'osant pas le contester. Effectivement les juges suivent l'avis des mères dans 75,4% [3] des cas. On ne peut que souligner l'inadéquation entre une norme datée et l'adaptation nécessaire aux nouvelles formes de parentalité et de façon de "faire famille" choisies par notre société.
Le second préjugé concerne la qualité des relations entre les parents séparés, la sérénité étant considérée indispensable à la mise en place d'une résidence alternée. Certes c'est un a priori compréhensible mais contredit par une méta-analyse portant sur quarante études [4] et de nombreux témoignages. De surcroit en cas de désaccord sur la résidence de l'enfant ,la mise en place d'une résidence exclusive ne protège nullement l'enfant du conflit. Au contraire celui-ci est parfois exacerbé par le sentiment de toute-puissance qui naît chez le parent qui obtient la garde et le sentiment d'injustice né chez le parent qui en est écarté.
Ce qui interroge est la conviction profonde d'encore trop de juges que la résidence alternée peut être néfaste pour les enfants, à l'opposé de la grande indulgence des magistrats et de la société vis à vis des parents qui se désengagent de la vie de leur enfant .
D'un côté on entrave le parent qui souhaite s'occuper de ses enfants à parité des temps de résidence, de l'autre on absout avec légèreté le parent qui se déresponsabilise et abandonne ses enfants...
[1] cependant leur nombre ne sauraient constituer un panel suffisant pour en déduire une statistique
[3] https://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/les-decisions-des-juges-concernant-les-enfants-de-parents-separes-27681.html (Tableau N° 15 page 27)
[4] voir l'article Conflit entre les parents, résidence alternée impossible... n'est-ce pas un préjugé ?